David de Michel-Ange

David de Michel-Ange, sa genèse et curiosités.

Il fait beau, mais assez froid à Florence en ce moment et la copie du David de Michel-Ange devant l’entrée du Palazzo Vecchio dans la Piazza della Signoria se gèle elle aussi. Profitant de plus de temps libre, j’ai eu envie d’écrire quelques mots sur ce chef-d’œuvre.

À la fin du 15e siècle, l’Opera del Duomo, l’organisation chargée d’administrer la construction du nouveau complexe de la cathédrale, dèsirait mettre en œuvre une série de prophètes pour décorer le toit de l’église.

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David de Michel-Ange dans sa perfection

Michel-Ange, un artiste de 26 ans déjà célèbre, fraîchement débarqué de Rome où il a sculpté la Pietà, relève le défi et commence à travailler sur David en septembre 1501. Il faut savoir que le marbre blanc sur lequel il travaille a déjà été rejeté par deux artistes : Agostino di Duccio et Antonio Rossellino. Ils estimaient que la qualité du matériel laissait à désirer, et qu’il était plein de trous. Pour eux entreprendre ce projet frisait la folie.

Michel-Ange était assez fou pour relever un tel challenge et pour y travailler jour et nuit. Ses biographes ont décrit que lorsque l’artiste travaillait sur certains projets, il dormait à peine, mangeait mal et ne changeait pas ses vêtements… A tel point que lorsqu’ils devaient finalement être enlevés, il fallait les arracher avec de la peau. (sic !)

Déjà en octobre, un mois après le début des travaux, le sculpteur a donné l’ordre de construire des échafaudages pour protéger la sculpture des regards indiscrets et travailler en toute tranquillité. Le 23 juin 1503, le jour du saint patron de la ville, Saint Jean-Baptiste, la statue a été officiellement montrée aux habitants de la ville. Sa beauté leur a donné le vertige proverbial. Un an plus tard, une commission spéciale, qui comprenait entre autres : Léonard de Vinci et Botticelli, a décidé de placer la statue devant l’entrée du Palazzo Vecchio.

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Les portes du baptistère de Florence – Lorenzo Ghiberti, David coupe la tete de Goliath

David, le jeune héros biblique, qui affronte le Goliath armé et gigantesque, ne remporte le duel que grâce à sa foi en Dieu. De cette façon, il défend le peuple juif contre l’attaque des envahisseurs. Florence choisit ce héros comme l’un de ses symboles. Il devient une allégorie de la ville et de ses valeurs républicaines : libre choix, confiance et courage. C’est pour cette raison que la commission des artistes en 1504 a décidé de placer cette sculpture de cinq mètres devant le siège du pouvoir.

Lors du transport de la statue depuis le chantier devant le Palais de la Seigneurie, elle a été bombardée de pierres par la foule, probablement à cause de sa nudité. Alors Michel-Ange a placé une guirlande dorée à hauteur de hanche qui couvrait stratégiquement les parties intimes du corps. David avait également une couronne de laurier sur la tête, et la fronde et la ceinture sur son dos étaient également dorées.

la tete de david, michel-ange

Fait intéressant, dans le passé, le héros biblique était toujours montré pendant le combat ou après, avec la tête coupée de Goliath à ses pieds. Comme par exemple dans la précédente sculpture en bronze de Donatello qui se trouve au musée de Bargello à Florence. Michel-Ange voulait représenter le moment absolu de la concentration avant le duel pour faire preuve de sa parfaite connaissance de l’anatomie. Il avait sectionné comme beaucoup d’autres artistes les cadavres pour apprendre les détails du corps humain.

La tête et les mains de la statue semblent plus grandes. Le marbre devait être vu d’en bas, probablement pour cela ces éléments les plus importants sont agrandis. Il y a des cœurs sculptés dans les yeux de David qui étaient censés à mieux refléter l’effet de clair-obscur.

Bien sûr, l’artiste s’inspirait de la sculpture classique, comme en témoigne la pose du personnage – contrapposto, c’est-à-dire le poids du corps qui repose sur une jambe tandis que l’autre est pliée. Quant à l’expression du visage, Michel-Ange regardait St. George, sculpté par Donatello en 1415. Il y a une forte ressemblance et on sait que Donatello était l’un des rares artistes admirés et loués par Buonarroti.

transport de david de michel-ange

En 1873, la sculpture originale a été transportée à l’Académie avec un dispositif en bois spécialement conçu pour l’occasion. La décision a été prise pour protéger le chef-d’œuvre des intempéries et des dommages. Par exemple, en 1527, lors d’une émeute publique, une des pierres heurta le bras de David, qui tomba et se brisa en trois morceaux. Heureusement, deux jeunes hommes de la foule se précipitèrent pour sauver le bras en l’emportant dans une brouette. Pendant 50 ans, la sculpture est restée endommagée jusqu’à ce que Giorgio Vasari, architecte des Offices et grand admirateur de Michel-Ange, lui redonne enfin son bras restauré.

Idéal de beauté, icône, taille impressionnante de 5 mètres et attention au détail… Rendez-vous à la Galerie de l’Accademia si vous souhaitez admirer l’une des plus belles sculptures de tous les temps. Le musée possède également d’autres œuvres de Michel-Ange telles que St. Matthieu et les Esclaves inachevés.

Si vous voulez y aller avec moi, n’hésitez pas à me contacter.
Site officiel du musée Accademia de Florence.

Musée San Marco à Florence

Je suis retournée récemment avec plaisir visiter le musée de San Marco à Florence. C’est un ancien couvent dominicain connu pour son architecture de renaissance et les fresques de Fra Angelico. Il a été transformé en un musée et il garde son atmosphère unique et des œuvres inestimables. Pourtant, le couvent San Marco n’est pas tellement connu par des touristes même si l’on peut y trouver toujours quelques personnes francophones.


Le cloître de Michelozzo

HISTOIRE
Le couvent San Marco a été donné aux frères dominicains au début du 15e siècle, mais dans un état de dégradation. Cosme l’Ancien a payé la reconstruction du lieu en engageant son architecte préféré Michelozzo. Il souhaitait renouveler toute la zone à côté du nouveau palais pour la famille des Médicis. C’était pour lui une question de prestige, mais aussi un moyen d’obtenir l’appui du peuple dans son ascension au pouvoir. Peu de temps après, frère Giovanni, passé à l’histoire comme Fra Angelico, a décoré le couvent avec ses fresques. San Marco garde aussi la mémoire d’une figure controversée, Girolamo Savonarola, exécuté comme hérétique le 23 mai en 1498 dans la piazza della Signoria à Florence.

Aujourd’hui, les espaces du couvent ont été transformés en un musée enrichi en peintures provenant des églises désaffectées.


Fresques avec la vie d’Antonino Pierozzi

LE CLOÎTRE PRINCIPAL
C’est le premier espace que l’on voit après la billetterie. Le cloître a été projeté par Michelozzo suivant des nouveautés introduites par Brunelleschi. Les éléments classiques comme les colonnes, les arcs en plein-cintre, les chapiteaux s’entremêlent aux matériaux caractéristiques pour Florence: la pierre blanche et la pietra serena grise.

Dans le cloître, vous pouvez trouver quelques fresques de Fra Angelico. Par exemple celle avec Saint Dominique, fondateur de l’ordre, au pied de la croix. Une grande quantité de bleu obtenu de pierre précieuse : lapis-lazuli a été utilisé pour cette décoration et une atmosphère de contemplation nous invite à respecter le caractère du lieu.

En haut, sous les arches, il y a des fresques du 17e siècle qui racontent la vie et les miracles du prieur du couvent : Antonino Pierozzi. Il était très aimé par les Florentins, il est ensuite devenu archevêque de la ville et il a été canonisé après sa mort. Dans quelques scènes, on peut voir l’architecture de Florence et des personnages connus comme Cosme l’Ancien où même Savonarola.


La salle avec des peintures de Fra Angelico

HOSPICE
Auparavant, la salle juste à côté de l’entrée servait à accueillir des pèlerins. Aujourd’hui, elle conserve des retables de Fra Angelico. Le peintre était un frère dominicain, voué à la pauvreté mais dans son art il aimait bien l’or, les couleurs riches et lumineuses et la représentation des détails précieux. Ici, on peut admirer : la minutieuse Déposition de l’église Santa Trinitala Pala Annalena, une première œuvre sur bois de forme rectangulaire;  la Pala San Marco, venant de l’autel de l’église du même nom et le Tabernacle des Linaioli. Moi, j’aime particulièrement des œuvres en miniature où on admire le talent de Fra Angelico en enluminure.
Cela me plaît beaucoup d’observer tous les détails de petits retables de l’Armoire de l’Argenterie avec des scènes du Nouveau Testament.

Dans plusieurs scènes, on aperçoit les saints Cosme et Damien et leurs histoires sont illustrées dans des prédelles. Savez-vous pourquoi ? Ils étaient des protecteurs de la famille Médicis, les patrons par excellence de l’art à Florence à l’époque.


La salle du chapitre – le couvent San Marco

SALLE DU CHAPITRE
Cette salle était utilisée par les dominicains pour la lecture, la prière et des réunions. Ici, sur le mur entier, règne la grande fresque de la Crucifixion peinte par Beato Angelico. On a décidé de représenter non seulement les dominicains et les saints florentins, mais aussi les personnages d’autres ordres, par exemple Saint-Antoine Abbé, Saint Bénédicte, Saint-François, Saint Jérôme, etc.

LAVABO ET RÉFECTOIRE
Le grand réfectoire où les frères consommaient des repas est précédé par la salle du lavabo où ils se rafraîchissaient et des salles de cuisine.
Aujourd’hui, dans le lavabo et la cuisine, on peut trouver des œuvres de Fra Bartolomeo, un autre peintre dominicain, mais beaucoup moins connu de Fra Angelico. Il connaissait Savonarola et en était tellement impressionné qu’il avait détruit toutes ses peintures laïques. Sa toile la plus belle, c’est la Pala della Signoria en monochrome et inachevée. On admire vraiment le talent de Bartolomeo dans le dessin et les leçons apprises de Raphaël. La toile destinée au Palazzo Vecchio a changé beaucoup de fois de propriétaires pour finalement retrouver sa place dans le couvent.


Pala della Signoria, Fra Bartolomeo

Dans le réfectoire, la grande fresque montre le miracle du pain porté aux frères par les anges. Elle a été peinte au 16e siècle par Giovanni Antonio Sogliani. Ici, on trouve d’autres artistes inspirés par Fra Bartolomeo comme par exemple la première femme peintre que l’on connaît à Florence, Plautilla Nelli.
C’est vraiment incroyable de penser qu’elle avait appris la peinture seulement en copiant les dessins et les œuvres d’autres peintres. Elle n’avait pas eu d’accès à l’apprentissage en tant que femme et une religieuse. Dans la salle, se trouve son tableau La Déploration sur le Christ mort.

CELLULES DES FRÈRES
Mais les fameuses cellules décorées avec des fresques de Fra Angelico ? Il faut monter au premier étage en voyant comme la première chose la merveilleuse Annonciation. Les cellules sont positionnées autour du cloître et chacune a été enrichie d’une fresque de Fra Angelico et ses collaborateurs comme Benozzo Gozzoli.


Adoration des Mages, cellule de Cosme l’Ancien

À droite de l’escalier, il y a le couloir destiné au Prieur du couvent, personnages importants et hôtes. En fait, des fresques montrent des scènes plutôt compliquées comme l’Adoration des Mages dans la cellule double destinée à Cosme l’Ancien.

Dans le couloir en face de l’escalier, il y a des scènes plus modestes venant du Nouveau Testament pendant que les cellules au fond, pour les novices sont ornées de fresques très modestes avec peu de couleurs. Leur sujet est la crucifixion avec une figure en contemplation. La simplicité des scènes devait faciliter la méditation et la prière.


Bibliothèque dans le musée de San Marco

BIBLIOTHÈQUE
Au milieu du couloir à droite, il y a la bibliothèque. Elle a été projetée par Michelozzo dans les années quarante du 15e siècle et imaginée comme un temple de savoir avec trois nefs, colonnes et voûtes. Avec sa collection des manuscrits et œuvres en grec, elle est devenue très vite un lieu favori des humanistes florentins comme Poliziano, Marsilio Ficino et Pico della Mirandola.

Aujourd’hui, elle ne conserve que quelques livres liturgiques et manuscrits enluminés. En plus, on a voulu montrer des matériels utilisés pour la technique des manuscrits.


La cellule de Savonarola avec ses objets

CELLULE DE SAVONAROLA
Au fond du couloir des novices, on a sauvegardé la mémoire de Girolamo Savonarola. Il venait de Ferrare, mais il s’était établi à Florence. Ses sermons charismatiques ont conquis avec le temps les habitants de la ville. Savonarola critiquait la lassitude des coutumes, parlait de l’Apocalypse et prêchait pour le retour à la vraie foi. Il a réussi à faire de Florence une sorte de théocratie pendant quatre ans, je vous laisse imaginer comment… Un matin, en mai 1498, il est arrêté dans le couvent San Marco et jeté en prison. Torturé, il fut exécuté dans la Piazza de la Signoria.

C’est intéressant d’apprendre que son souvenir est conservé parmi les dominicains de San Marco. Ils ont sauvegardé sa cellule privée avec des objets personnels comme la chaise, le manteau et le cilice et quelques portraits et peintures liées à son histoire.


Couloir du couvent

PETIT RÉFECTOIRE
En descendant au rez-de-chaussée, on passe par le petit réfectoire où il y a la fresque de la Dernière Cène de Domenico Ghirlandaio. Le peintre avait créé une fresque pareille dans le réfectoire de l’église d’Ognissanti à Florence. Il a donné beaucoup d’importance aux détails, la particularité dont il était très connu. Les animaux représentés ont une valeur symbolique. Le chat à côté de Jude signifie la trahison, le paon symbolise la vie éternelle et les canards probablement la tromperie et les calomnies.


Les restes de Florence médiévale

COULOIR DE LA SORTIE LAPIDARIUM
Mais ce n’est pas fini. Dans le couloir de la sortie, on a placé des restes architectoniques de Florence. À la fin du 19e siècle, le centre-ville a été totalement modifié et on a jeté et détruit beaucoup de monuments précieux de l’époque médiévale. On a préservé quelque chose ici en créant le musée de Florence du passé. Mais aujourd’hui, il n’en reste pas grand-chose. C’est vraiment dommage…


Les prédelles de Pala San Marco, Fra Angelico

INFORMATIONS PRATIQUES
Pour le moment, le musée a un web site seulement en italien.
Les infos pratiques comme les billets et les horaires sont visibles ici seulement en italien.
Je vous conseille de les consulter avant la visite. Comme le musée n’est pas tellement fréquenté, les horaires sont réduits.

Si vous désirez visiter San Marco avec moi, contactez-moi.